De 1920 à 1965, les architectes dits « Modernes » se sont attachés à épurer les formes de leurs constructions et à en rationnaliser la construction. Puis, ébranlés par les remises en causes institutionnelles et intellectuelles des années 1965-1970 culminant en Mai 1968, leurs successeurs ont refondé leur démarche créative en réinterprétant les formes classiques. De la région parisienne à Montpellier, Ricardo Boffil incarnera alors cette relecture de l'histoire et la vigueur de cette attitude dénommée Post-Moderne.
Adoptant cette posture, l'architecte " épris des découvertes engendrées par le mouvement (de la marche, du vélo, de la voiture, du train), édifie le lieu de l'immobilité de l'Homme lisant ; le citoyen récusant". L'architecture dominatrice dans ses volumes et ses symboles entre en dialogue avec la très ostentatoire et très royale abbaye de Brou et pour cela, il manipule des signes classiques… Néanmoins, le grand professionnel réalise ainsi non pas la synthèse de contradictions personnelles, culturelles et professionnelles mais un édifice attentif à ses usagers. Ainsi, le 29 septembre 1988 ouvre la médiathèque que signe Jean-Vincent Berlottier associé à Patrick Barberot. L'objet est singulier, quel que soit le chemin emprunté pour y parvenir. Côté boulevard Charles de Gaulle, c'est une falaise de béton crénelé où se découpe une grande baie striée par ses menuiseries verticales et comme posée sur deux fausses portes massives. Côté passerelle, c'est une séquence aveugle où le regard est conquis par le jeu de la lumière sur les stries profondes des panneaux de béton alors que le corps, instinctivement, se tient à distance de cette matière rugueuse.
Côté placette, c'est une ample tubulure arachnéenne qui se projette au devant du visiteur comme pour entamer un processus d'accueil ludique, ce que dément immédiatement une porte d'entrée sans âme. Cette « grille » métallique suggère une révérence aux projets prospectifs de Yona Friedman et la quête de la légèreté qu'incarneront Jean Prouvé ou Léon Petroff. Elle est placée en coin d'une haute façade incurvée, qu'un vitrage foncé rend hermétique lorsqu'elle ne se dématérialise pas dans le reflet de son environnement. Côté hôtel, le déploiement en hémicycle de la façade se prolonge par un muret délimitant la cour où s'installe l'intervention artistique.
Cet ensemble est surmonté de lignes de métal évoquant une toiture classique. Est-ce pour introduire un « jeu de sens » : la médiathèque comme « maison » de la culture ? Ou pour adresser un clin d'µil facétieux à l'architecte de Bâtiments de France, gestionnaire de la bonne relation à établir entre le sacré et le profane,
l'Histoire et le temps présent, l'espace de la lecture étant alors pensé comme une page à part entière du grand livre de l'architecture.
Passé le sas donne accès à un espace unitaire, initialement totalement blanc, scandé par de hauts piliers qui suggèrent une référence à l'usine Johnson édifiée par F.L. Wright.
Des différences de niveaux s'organisent, des respirations amples alternent avec des coins douillets, la pénombre succède à la pleine lumière, des vues se dégagent, des plans rapprochés s'imposent : le plaisir de la lecture se décline dans différentes ambiances…
Rénové en 2011, l'édifice a gagné en étanchéité, pris des couleurs, repensé son organisation interne tout en poursuivant son installation sereine dans l'histoire de l'architecture burgienne du XXe siècle.
Etape du 2ème parcours d'architecture XXe l'Ain.