L'Union Régionale CAUE Auvergne-Rhône-Alpes, avec ses partenaires DRAC et Conseil régional, porte le projet de la connaissance sur le patrimoine XXe. A cet effet, un site internet www. http://www.archi20-21.fr/ a vu le jour pour conforter les CAUE dans leur rôle d'observation et d'analyse sur les réalisations les plus marquantes.
Cet observatoire permet d'aborder sous différentes thématiques les constructions du XXe en se demandant « à côté des grandes figures du patrimoine du XXe dont le Label XXe est un indicateur, qu'est-ce qui fait aujourd'hui patrimoine et quelles attitudes développer sur ces objets ou ensembles ? »
Les édifices réalisés au XXe siècle sont de plus en plus fréquemment concernés par les opérations de rénovation et de densification urbaines, par l'évolution de la qualité des services apportés à la population, par l'affirmation des exigences environnementales, par la contraction des cycles financiers, par l'évolution régulière des normes et par notre perception des standards du confort.
Parce que les problématiques des décennies successives du XXe siècle y ont résonné avec une ampleur toute particulière, parce qu'elle a été l'une des régions prépondérantes des Trente Glorieuses et qu'elle a accueilli certaines des expériences architecturales et urbaines phares du siècle, la région Auvergne-Rhône-Alpes est même particulièrement en phase avec cette problématique.
Le guide Rhône-Alpes de l'architecture XXe, publié en 1982 puis revu et réactualisé en 2004, demeure à ce jour l'un des rares exemples d'un inventaire régional approfondi mis à la disposition des professionnels et d'un large public, au travers d'un livre vendu à prix abordable, d'une exposition itinérante et d'un CD-Rom.
Élaboré en collaboration avec un historien réputé et spécialiste de cette période, Bernard Marrey, il constitue le socle d'une connaissance sérieuse, richement documentée.
Identifier ce qui est digne d'intérêt constitue un préalable indispensable pour agir ponctuellement en connaissance de cause.
Cet inventaire, évolutif, n'a pas pour objet de cristalliser des objets construits mais d'inviter à considérer avec une attention particulière des édifices parfois déjà lourdement modifiés au point que leur intérêt historique est devenu peu lisible.
Mais approcher la nouvelle destinée de ces réalisations est d'autant plus complexe que :
- les constructions de ce siècle sont plus nombreuses que celles de tous les siècles précédents réunis et concernent tous les domaines de la vie humaine ;
- le recul indispensable pour évaluer l'exemplarité d'un édifice n'est souvent pas atteint surtout s'agissant des constructions 1975-1990 ;
- les praticiens usuels du Patrimoine et le grand public n'intègrent que très progressivement l'idée que des édifices de cette période puissent concerner cette notion ;
- les pratiques concrètes sont peu diffusées, peu analysées et donc peu partagées ;
- les bonnes pratiques restent de ce fait confidentielles.
PARTAGER UNE HISTOIRE COMMENCEE EN FRANCE ET EN RHONE-ALPES
La pratique des interventions sur les édifices XXe n'est pas nouvelle.
Bien que récente, elle possède même son histoire faite, comme toute histoire de situations et de réflexions préparant à des actions vécues comme autant de victoires, de défaites ou de péripéties mais constituant toujours un progrès grâce aux connaissances acquises.
Le projet de destruction de la gare d'Orsay à Paris en est le témoignage le plus probant, tout comme la destruction des pavillons Baltard des Halles.
Les partisans de la préservation sont contraints d'argumenter.
Des équipes de recherche se développent avec surtout un travail d'historien.
Cette recherche s'étend ensuite aux premières réalisations en ciment armé puis en béton et en béton armé.
Elle investit l'ensemble du territoire, examinant ouvrages d'art, édifices publics et constructions privées, traverse les styles et les techniques pour parvenir progressivement aux années 1960/1970. Bernard Toulier livre une première synthèse Mille monuments du XXe siècle.
Parallèlement des politiques publi-ques se mettent en place, comme la Loi sur l'architecture en 1977, avec la création des CAUE, ou en 1978 avec la proclamation de « 1980 Année du patrimoine ».
INVENTORIER ET OBSERVER : SE METTRE EN SITUATION D'AGIR
Intervenir sur le XXe : huit postures constatées
De la plus distante à la plus radicale, huit postures gouvernent la façon d'envisager le rapport établi avec un édifice du XXe siècle.
Elles sont importantes car elles déterminent la façon d'entrer dans les exemples présentés sur le site de l'Observatoire du XXe mais aussi des spécificités dans les informations à restituer et donc dans la collecte à organiser.
Démolir
Action résultant de l'obsolescence d'une construction ou par l'évolution de son contexte (rénovation ou extension urbaine, modification des infrastructures... ).
Laisser en l'état
Négligence d'un propriétaire, indivision prolongée, procès en cascade à la suite d'un accident mais aussi attitude volontaire de « laisse pourrir » pour contourner un désir de protection d'un édifice dont quelques années plus tard on ne pourra que diagnostiquer la ruine et donc la nécessité de démolir pour protéger la vie d'autrui.
Agrandir
Accroître la superficie d'un édifice ou d'un ensemble urbain existants en procédant par adjonction de volumes, conduit à aborder la question du dialogue entre esthétiques XXe et XXIe.
Entretenir
Attitude usuelle d'un propriétaire soucieux de préserver la valeur de son investissement à travers le bon état général de son bien.
Rapportée à la notion de préservation de l'exemplarité du caractère originel de l'édifice, cette action apparaît néanmoins peu évidente à maintenir sur la durée.
Reconvertir
Changer l'affectation d'un édifice, lui insuffler une vocation nouvelle, est la plus observée des neuf postures.
Sans doute parce qu'elle joue sur plusieurs registres.
Rénover
Entre gros entretien, remise à neuf, modification des espaces liée à une évolution de l'usage, les frontières sont parfois minces, d'où ce regroupement thématique.
Dans les quatre cas, il devrait s'agir de permettre à un édifice de maintenir ou de retrouver ses qualités spatiales, techniques et esthétiques tout en prenant en compte les besoins fonctionnels actuels.
Restituer
Intervenir sur une partie dégradée - extérieure ou intérieure - d'un édifice pour la remettre en état dans le respect des caractéristiques d'origine dimensionnelle, matérielle, esthétique et technique.
Concerne en général, mais pas exclusivement, un édifice ISMH ou un édifice reconnu pour son exemplarité parmi les éléments du patrimoine XXe.
Déplacer
Bouger pour survivre ! Les années 1960 ont vu le démontage pierre par pierre de châteaux français admirés par des américains afin qu'ils soient remontés aux États-Unis.
Au début du XXIe siècle, certains pays pratiquent fréquemment le déplacement par camion de petits édifices.
Mais, il est exceptionnel que le déplacement constitue une perspective pour préserver un édifice XXe.
Source : Dominique AMOUROUX