Dans le cadre de notre master à l'École nationale d'architecture et de paysage de Lille, nous avons travaillé sur la ville de Landrecies, et notamment sur la question de l’habitat. Au fur et à mesure de nos études sur le territoire, on a été intrigué par une zone qui semble avoir une certaine richesse et où l’on a détecté un potentiel. Il s’agit d’un entre-deux, qui est révélé par l’étude morphologique de la ville. Il correspond à la zone entre le centre-bourg ancien et une frange urbaine constituée de pavillons précaires des années 1950. C’est un tissu urbain qui prend place entre les deux anciennes lignes de fortification qui ont permis la structuration de la ville.
D'après nous, 4 éléments importants caractérisent cet entre-deux c’est :
1. des boulevards surdimensionnés avec peu de flux et à l’inverse des rues étroites qui offrent peu de place aux piétons.
2. cet entre-deux apparaît comme une bande qui amène jusqu’au canal, élément important de valorisation de la ville.
3. il y a de grandes parcelles en friche, en attente ou en projet qui ponctuent cet espace. On retrouve la friche industrielle Desvres, l’Aldi, le terrain qui accueillera l'ehpad, le terrain municipale qui devrait accueillir un béguinage, le projet en cours de la halte nautique.
4. on repère également un tissu d’habitat assez poreux et hétéroclyte. On a réalisé un travail d’analyse des typologies qu’on peut retrouver dans le tissu urbain landrecien en s’intéressant particulièrement aux maisons individuelles.
Par l’analyse urbaine de ces typologies : on observe une richesse des formes urbaines par l’évolution morphologique de la ville.
Par cette analyse et les quatre caractéristiques énoncées précédemment, on a décelé un réel potentiel à habiter cet espace d’entre-deux, nous amenant ainsi à la question suivante :
Comment composer et construire l’habitat à Landrecies ?
Ainsi, comment réenchanter l'habiter à Landrecies ? Comment redonner de la qualité et de la valeur à l’habitat ?
Au delà des potentiels relevés, des atouts existent. D’abord, le paysage de bocages entoure le site, il y a une bonne desserte en équipement. On peut dire que l’on est dans un tissu qui possède un potentiel d’attractivité car peu dense contrairement au centre bourg. Il y a aussi une générosité des espaces publics, une proximité des services ainsi qu'un certain calme, éloignée des nuisances de la départementale.
La friche du terrain municipal, largement ouverte, possède une valeur de par la biodiversité qu’elle abrite car elle n’est pas urbanisée depuis longtemps. De plus, les anciennes fortifications y passent, au porte de la ville constitué. C’est pourquoi, nous désirons la conserver au maximum dans son état actuel.
Plus particulièrement, on a regardé l’évolution de ces friches et le futur projet du béguinage qui devrait s’implanter à la place du stade municipal. Cela nous a poussé à poser un regard critique.
- Tout d’abord, le projet du béguinage s'implante sur l’entièreté de la parcelle du terrain municipal. Cette parcelle pourtant non artificialisée.
- De +, la non prise en compte du contexte existant offre peu de porosité et de traversées
- Les parcelles se retrouvent privatisées, ce qui ne profite à aucun habitants, non résidents. Le béguinage projeté n’attire qu’un type de ménage, permettant peu de mixité.
- ce projet se développe sur une poche indépendante sans prendre en compte ni le tissu urbain ni l’évolution de la ville.
Ainsi, on a choisi d’imaginer une alternative au développement de la ville construite par zonage en réinterprétant le projet du béguinage. On envisage plutôt un développement du tissu urbain en s’inspirant du tissu existant et des zones mutables.
Pour ce faire, nous avons défini un cadre réglementaire pour le développement et la transformation d’une partie de la ville sur du long terme, tout en permettant une certaine liberté par une évolution du progressif du tissu urbain. Ainsi, nous avons repéré des emprises mutables en tant que lieu de densification possible. On voit sur la maquette 3 zones distinctes, situé sur des zones déjà artificialisées.
Concrètement, nous avons réalisé un cahier des prescriptions. Il a pour objectif d’encadrer et de sensibiliser sur la qualité de l’habitat avec une idée de bien-faire ensemble.
On a notamment défini des grandes règles à l’échelle du site.
-Notamment, la définition d’un parc dans la zone du terrain municipal. A notre sens, il est intéressant dans la cadre de la loi ZAN (Zéro Artificialisation Nette) de revaloriser cet espace de friche en le reboissant et en le rendant accessible aux habitants.
- Mais également un travail paysager sera effectué à partir du tracé des fortifications, actuellement enterrées à 20cm du terrain naturel. On creusera à leur niveau, afin de les dévoiler.
- Une noue paysagère sera implanté le long du boulevard Dupleix pour récolter les eaux pluviales et les diriger vers le canal, ce qui permet aussi de se mettre à distance de la voie.
- Ainsi, un redimensionnement des boulevards est imaginé afin de réduire la voie à 6m, offrir de nouveau stationnement le long de l’allée plantée, pour laisser plus de place au piéton dans les nouveaux îlots, et une zone de cheminement piéton plus définie.
Sur la seconde maquette qui cadre une partie du projet que l’on a davantage développé, on peut voir que l’on délocalise les restos du cœur dont le bâtiment est vétuste, afin de leur donner plus de place et visibilité, dans le Aldi qu’on choisit de conserver. En effet, ce site est actuellement déjà investi de manière informelle. C’est pourquoi nous choisissons également d’y implanter un café, et d’abriter des activités proposées par le centre social et culturel permettant un lieu de rencontre entre les différents usagers.
À l’échelle architecturale, d’autres préconisations guident la future conception, elle est développée à partir de notre analyse des typologies.
- On définit des volumes en R+1 et combles maximum pour s’intégrer au tissu existant. Pour assurer une continuité bâtie, les maisons existantes apparaissent comme des gabarits, elles déterminent la hauteur maximum des futures habitations.
- Les toitures sont à double plan parallèle à la rue, en respectant un type de toit par maison, en ardoise ou en tuile. Afin d’avoir une unité afin de ne pas surcharger.
- Les façades, quant à elles, reprennent le vocabulaire architectural visible à Landrecies, en privilégiant ainsi la brique, et les menuiseries s’appuie sur les gabarits existants à Landrecies en leur donnant plus de générosité
- Les limites des parcelles, donc clôtures et limites séparatives des terrains, sont traitées de 2 manières, soit par des murs de brique en moucharabieh, soit par une haie bocagère. Cela permet de réinterpréter le paysage et en valorisant une continuité écologique de la trame bocagère.
- Il y a également une dimension environnementale, l’idée est de garder au maximum une perméabilité des sols des parcelles privés afin de permettre l’infiltration des eaux pluviales qui rejoindront la noue. Ainsi que privilégier une orientation le plus au sud possible pour profiter des apports solaires, tout en intégrant un débord de toiture nécessaire pour éviter les surchauffe.
Il s’agit aussi d’implanter des volumes compacts pour éviter des déperditions, et enfin utiliser des matériaux biosourcés pour la construction.
Pour conclure, à partir de ce cadre réglementaire, notre projet apparaît comme une hypothèse de développement des différentes règles que nous avons choisi d’établir. Ainsi, ce n’est qu’une façon parmi tant d’autres de transformer ces espaces, et ces règles peuvent s’étendre à d’autres poches vides dans le territoire, car nous pensons qu’il est nécessaire pour le développement des espaces ruraux de composer avec le déjà-là et en prenant en compte les héritages, les habitants, les usages et le futur.
Atelier 'La piste rurale" proposé par Amélie Fontaine et Frédérique Delfanne dans le cadre du master Architecture & Paysage / Semestre Automne - Année 2022-2023