"Ces quatre immeubles collectifs, réalisés à partir de 1945 par Lurçat sur un programme de l ' Office Départemental d'H.L.M. du Nord (qui venait d'être constitué) sont pour Lurçat l'occasion de réitérer ses propositions d'urbanisme nouveau pour la ville en se dégageant du cadre (linéaire) que les commerçants sinistrés imposent ailleurs. Les immeubles, situés en bordure du Petit-Bois; qui deviendra Parc zoologique en 1958, marquent l'entrée ouest de la cité et dominent la vallée de la Sambre.
Ils sont installés en épi, de part et d'autre du boulevard qui dorénavant ceinture le nouveau périmètre urbain, « de telle manière que l'µil du voyageur venant de la vallée enregistre successivement leur façade principale ».
Les aménagements extérieurs, plantation et aires de jeux sont conçus par Lurçat lui-même soucieux de livrer une opération exemplaire : un morceau de « cité-jardin urbaine » dans lequel les besoins des habitants ont été scrupuleusement pris en compte.
Les immeubles de trois étages comprenant neuf logements chacun (6 T3, 2 T2, 1 Tl) sont édifiés sur un entresol formant socle regroupant les caves et les garages. Les façades expriment clairement la disposition intérieure du plan : au nord, l'entrée principale, la desserte des étages et les pièces de service (cuisine, salle de bains) ; au sud les pièces de vie : chambre et séjour dont l'angle est traité en loggia. La façade nord est habillée d'une paroi venant en surépaisseur du plan principal: cette surface forme comme un tableau qui rassemble la composition symétrique des percements: au centre, baies à encadrement à trois partitions, marquant la cage d'escalier et de part et d'autre de la ponctuation d'un rang d'oculi, des baies à deux partitions en double rang. Le porche est conçu comme un tube de section rectangulaire et soudé à la façade. L'effet est renforcé par les emmarchements qui détachent le seuil du sol, par les deux colonnes à facettes qui font fonction de raidisseurs plutôt que de support d'entablement et par le parement en céramique des parois intérieures. L'expressivité de la façade sud est due à l'encadrement d'un tableau central uniformément percé par des standards de baies à trois partitions, à des loggias à la fois saillantes en façade et sculptées dans les angles avec un retournement courbe des chants de dalles autour d'une colonne. Les immeubles sont clairement stratifiés en socles, corps d'édifice et acrotères - chacune des parties faisant l'objet d'un traitement architectural spécifique au moyen de profils et moulures rapportées. Le traitement des acrotères est remarquable : les bords des tableaux saillants des façades sont accompagnés d'une moulure périphérique qui, après son retournement pour former corniche, est interrompue pour être soulignée. Ce même effet de traitement singulier, hormis le fait qu'il produit une élégante ligne d'épannelage, est visible sur les corniches accompagnant les pignons. Dans l'enduit des façades est imprimé un réseau de mailles rectangulaires."
© Paul Hilaire, L'oeuvre de LURCAT, Itinéraire du patrimoine