Le cas particulier des églises

Sur les 725 lieux de culte publics de la Manche, près de 600 ne sont pas protégés au titre des monuments historiques. Ces églises rurales construites entre le XI-XIIe siècle et la fin du XIXe siècle constituent des éléments majeurs du patrimoine : elles portent l’histoire locale et constituent des marqueurs forts des paysages du département .

Depuis la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, la très grande majorité de ces édifices appartient aux communes mais possède un affectataire unique, le curé. 

La collectivité locale a donc la charge des travaux d’entretien de son(ses) église(s). Ce sont des dégradations liées à l’humidité (mauvaise étanchéité des toitures, remontées capillaires dans les murs) qui constituent les désordres les plus fréquents nécessitant toujours des travaux importants.

Le Conseil départemental de la Manche a mis en place avec le CAUE un dispositif significatif de conseils et de subventions pour aider les communes à préserver leurs églises protégées ou non.

La Conservation des antiquités et objets d’art (CAOA) apporte également ses conseils, assure l’inventaire et le recollement des objets d’art des églises et participe à leur restauration.

Dans la Manche, se situe très fréquemment autour de l’église l’enclos paroissial avec le cimetière. Ce lieu constitue la mémoire de l’histoire de la commune. Pour préserver ce patrimoine funéraire, des conseils peuvent vous être apportés par la Fédération normande du patrimoine funéraire. Le Département peut également aider financièrement à sa préservation.

 

Les associations locales de sauvegarde ont un rôle prépondérant à jouer dans la préservation et la mise en valeur de ce patrimoine.

Elles peuvent d’abord porter ou participer à une souscription publique pour financer les travaux de restauration, en partenariat avec la Fondation du patrimoine. Mais leurs rôles ne s’arrêtent pas là : elles peuvent s’impliquer dans la valorisation de la commune en assurant un travail de recherche sur l’histoire de l’église, des objets d’art qu’elle renferme, de l’enclos paroissial et du territoire communal. 

Ce travail peut permettre, par la suite, une mise en valeur de ce patrimoine en créant un espace d’interprétation dans un coin de l’église, des cartels et un éclairage avec détecteur de présence pour les objets d’art, des panneaux d’interprétation présentant l’église et le territoire communal dans le cimetière, un sentier de découverte du patrimoine local, etc.

Enfin, les associations peuvent participer à l’animation du territoire en organisation un programme de visites guidées, de concerts, de spectacles et de fêtes lors de la fête communale ou à l’occasion d’événements locaux.

 

Matière à réflexion ! L’avenir des églises rurales ?

L’église constitue, depuis des siècles, un élément fondamental de l’histoire de la commune et de son identité.

Dans la Manche, le maillage des communes historiques correspond à peu près à celui des paroisses des VIe et VIIe siècles, formées d’habitations regroupées autour de leur église. Cependant les collectivités publiques qui en sont aujourd’hui propriétaires pourront-t-elle à l’avenir continuer d’en assurer l’entretien ? Certaines « communes nouvelles » qui se retrouvent propriétaires de 3, 4 ou 5 églises ne sont-elles pas tentées de n’entretenir qu’une d’entre elles ? La pratique religieuse a beaucoup baissé et il est certain qu’un bâtiment qui n’est plus fréquenté ne peut survivre à l’usure du temps. Cela est d’autant plus préoccupant que la très grande majorité de ces églises rurales ne sont pas protégées au titre des Monuments historiques.


Le sujet est délicat. Par sa forme, son histoire, ses symboles, l’église reste un lieu de recueillement et d’élévation pour les croyants et un lieu auquel tous les habitants sont attachés.

Il apparaît aujourd’hui indispensable que se développe, sereinement, une réflexion partagée entre les collectivités publiques, le clergé, les associations paroissiales, les croyants et non croyants de la commune ainsi que les associations de sauvegarde et sans doute aussi l’État pour réfléchir ensemble à l’avenir de ces églises rurales ?

Il semble tout d’abord nécessaire de les garder ouvertes le plus possible, et donc les sécuriser, pour que quiconque puisse y entrer soit pour flâner, se reposer, regarder des beaux objets comme un musée gratuit, soit aussi pour méditer ou prier pour les croyants.

Afin d’insérer plus encore l’église dans la vie d’aujourd’hui, il faut très certainement développer ce que de nombreuses communes et associations font déjà en plein accord avec le curé de la paroisse : concerts, visites guidées, mise en valeur des objets d’art qu’elle protège, présentation de son histoire, de celle de l’enclos paroissial et de la commune, etc.

Avec la commune, les associations peuvent veiller, voire parfois participer, à l’entretien régulier du bâtiment : nettoyer annuellement les chéneaux, replacer une ardoise déplacée par le vent, entretenir des plantations en pied de murs pour absorber l’humidité, repeindre une porte, etc. Cet entretien régulier, peu onéreux, prévient durant des décennies de désordres structurels beaucoup plus importants aux conséquences budgétaires difficilement supportables pour une petite collectivité.

Et si c’est la seule façon de sauver ces monuments, ne devons-nous pas penser, pour certains d’entre eux, à leur donner de nouveaux usages ?

Ne peut-on imaginer pour certains, un usage « métissé » en réservant le chœur, sanctuaire de l’église, à la prière et au recueillement ?

Ne peut-on imaginer un nouvel usage raisonné pour une activité d’intérêt général : espace d’exposition, salle de concert, de conférence, centre d’interprétation, musée, bibliothèque, service social, association d’utilité publique, marché du terroir, habitat social, etc.

Cette évolution repositionnerait l’édifice dans la société d’aujourd’hui, tout en renouant avec des pratiques anciennes, lorsque l’église, au-delà de sa fonction cultuelle, était le lieu de rencontre et d’échange de la communauté villageoise.

Les communes peuvent demander, sous certaines conditions, la désaffectation de leur église mais il leur est nécessaire d’avoir l’accord de l’évêque affectataire. De très nombreux exemples d’évolution d’usage de lieux de culte existent à l’étranger, là où le clergé est historiquement propriétaire des murs (Québec, Angleterre, Pays-Bas, Italie, Allemagne, etc.).

 

Retrouvez toutes ces réflexions dans les actes du colloque « Que vont devenir les églises normandes ? » qui s’est tenu au Centre culturel international de Cerisy en 2015. Éditions Charles Corlet - août 2017.

Auteur(s)
Jean-Baptiste Auzel
François Toumit
IDENTIFIANT :
57108
Mis en ligne par :
Zurab JAVAKHIDZE
Date de création :
10/06/2021
Date de mise à jour :
21/11/2021