À la fin des années 1960, Bourg-en-Bresse mise sur l'activité industrielle pour se développer.
On estime ainsi que l'usine Berliet, qui réalise 6 000 véhicules par an au milieu des années 1960, devrait en produire 50 000 quinze ans plus tard et employer près de 5 000 personnes directement et indirectement…
Pour loger une population en progression constante, la municipalité engage de grandes opérations de construction de logements. En 1964, la Société de Développement de l'Ain (SEDA) esquisse pour le compte de la Ville, un vaste développement urbain à un kilomètre du centre-ville historique, sur des champs dominés par l'église de Brou : la ZUP 3, ensuite désignée comme la ZAD Croix-Blanche puis la ZAC Croix-Blanche. Constatant que la ZUP 1 est achevée, que tous les terrains de la ZUP 2 sont affectés, le Conseil municipal décide le 28 avril 1969 de lancer cette troisième ZUP : sur ses 60 hectares, 12 000 personnes vivraient dans 3 000 logements (réalisés en deux phases de 1800 et 1200). Les trois quartiers, de respectivement 900, 1200 et 900 logements, disposeraient de tous les équipements de proximité d'enseignement et de soins indispensables. Ils se combineraient avec un centre commercial couplé à un pôle culturel. Le 22 juillet 1968, un architecte lyonnais reconnu, René Gagès est officiellement désigné pour établir le projet de cette nouvelle extension de la ville.
En mai 1972, son projet est exposé à la salle des fêtes : des panneaux, des diapositives et une maquette révèlent un quartier d'immeubles en forme de plots, d'une dizaine d'étages, composés et implantés symétriquement de part et d'autre d'un grand boulevard rectiligne et juchés sur une dalle…
René Gagès explique avoir voulu libérer au maximum le sol naturel pour y créer des espaces verts, densifier afin de rapprocher les équipements des logements. Les élus et le public approuvent…
Un autre projet est mis à l'étude à la suite de l'élection de la liste du parti socialiste conduite par Louis Robin. Le long de la Reyssouze, quatre suites d'immeubles de trois à cinq étages, au développement irrégulier, enserrent chacun un parking semi enterré, supportant une placette ou une aire de jeux. Entre les trois premiers, développés (de même qu'une école et un groupe scolaire) entre les boulevards Saint-Nicolas et de Gaulle, et l'autre rejeté à l'extrémité Nord du site, s'intercale un centre d'animation commercial auquel est associé un centre culturel.
Le projet initial est à la fois considérablement allégé (suppression des équipements de proximité, diminution radicale du nombre de logements, simplification de la voirie) et éclaté du fait de la répartition de constructions en nombre réduit sur l'ensemble du site. Les Trente Glorieuses viennent d'être ébranlées par le premier choc pétrolier. Industries et sociétés vacillent… de même que le pouvoir d'achat de millions de familles françaises. Et dans l'immédiat après Mai 1968, la critique radicale de l'urbanisme et la revendication d'un cadre de vie « ré »humanisé s'accompagnent - paradoxalement - de l'immersion accélérée dans la société de consommation.
Immeubles de logements et grande surface commerciale : tels seront donc les ingrédients majeurs de cette opération d'urbanisation d'anciens terrains inondables qui appartenaient en grande partie aux hospices civils de la Ville.
Des logements posés dans un espace vert continu, une grande allée fastueusement arborée, des berges aménagées, des parkings enterrés, des parcours piétons libres de passer sous les porches des immeubles, des immeubles bas s'espacent les uns des autres : l'opération s'installe avec une rare amabilité dans sa relation au site. L'architecture est à l'unisson : des formes se déploient et accueillent, d'autres se dressent et referment ; des balcons s'ouvrent, des terrasses s'étirent ; des entrées se font hall à la généreuse double
hauteur ; les porches laissent filer le regard tout en guidant les pas… À l'extrême fin des années 1970, s'achèvent ici les répertoires des tours et des barres (symbolisées par celles de Sarcelles), des quartiers sur dalle (dont Bordeaux Mériadeck, Orléans-la-Source et Le Vaudreuil), le mixage de l'individuel en nappe ceinturant des tours. Se réalise ici une opération remarquable. Le changement de modèle urbain en évitant une surconcentration de l'habitat a sans doute évité les désagréments connus ailleurs. Car ce quartier se construit sur fond de crise industrielle : Radior (constructeur de motos) et Pingeon (constructeur de grues) ferment, la Tréfilerie-Câblerie change de main…
Urbaniste : René Gagès
Assistant : Jacques Blanc-Pottard
Paysagiste : Hélène Pruvost
Aménageur : SEDA
Maîtres d'ouvrage : SCIC, Foyer Rhodanien, OPAC, SEMCODA
Etape du 2ème parcours d'architecture XXe l'Ain.