« Demandez à votre confrère Poupon de vous transmettre les plans de la résidence Crève Coeur et faites la même chose » : telle est la singulière commande qu'André Rostagnat reçoit du promoteur Maurice Nachury. Naturellement, l'architecte lyonnais, très actif à Bourg conduira sa démarche bien au-delà de ce point de départ imposé.
La demande du prometteur concerne l'emploi d'une technique de construction économique, le coffrage tunnel, et d'un procédé industrialisé, des panneaux de façade métalliques. Il en résulte des immeubles hauts (il faut rentabiliser le foncier mais aussi « tirer le meilleur parti de la résistance du béton des murs »), relativement étroits (du fait de la technique de construction), aux façades dépouillées (bien que non porteuses). C'est cette expression banalisée qu'André Rostagnat va déjouer. Dans un premier temps, il cherche la bonne implantation des éléments d'un programme changeant. Les esquisses sont engagées dès la fin de l'année 1959 à partir d'un programme ambitieux « de 176 logements économiques et familiaux bénéficiant de la prime de 1000 Francs », soit des appartements de type Logéco. Trois immeubles de 8 niveaux abritent respectivement 48, 80 et 48 logements, répartis entre T3 (40), T4 (80) et T5 (56). « Trop haut » déplore la Ville, les immeubles ayant 24 mètres dans une zone où le gabarit autorisé est de 16 mètres.
Le projet passe à quatre immeubles, qui seront implantés parallèlement dans la longueur du terrain de
19 000 m2. Le promoteur engage plus de 10 millions de Francs sur cette opération. Il sélectionne des entreprises solides (Maillard et Duclos, Jossermoz), des marques réputées (Vachette, Vendôme, Jacob Delafon, Idéal standard, Schindler), des équipements de standing (chauffage par le sol, téléphone, télévision) et recourt à la publicité.
En novembre 1966 cependant, « en raison du ralentissement considérable des ventes », il décide de ne pas chauffer pendant l'hiver le premier immeuble construit et donc de reporter les travaux d'aménagement des appartements au printemps suivant. Le chantier reprend effectivement et la réception provisoire des travaux intervient en octobre 1967. Strictement linéaire, chaque façade sur le boulevard est subdivisée par des claustras dont le dessin transmet le sentiment d'une grille légère, susceptible d'entrer en vibration. Ces verticales séparent des séquences horizontales correspondant à l'association de deux, de trois, de quatre voire de cinq panneaux de façades. Bien que de dimensions identiques, ceux-ci sont de trois typologies différentes. Ainsi, la façade se compose à chaque étage à partir d'une variation de ces trois éléments, ce qui évite toute monotonie. Sur la façade arrière, plus simple, les cinq cages d'escalier assurent un rôle de scansion similaire. Les appartements expriment l'évolution des modes de vie : cuisine ouverte, réduction des circulations… Les entrées, encadrées de céramique flammée, sont pourvues de portes en métal dessinées avec soin. Dans chaque hall, un petit banc permet de poser son sac pour ouvrir sa boîte aux lettres, voire de discuter. Autre élément initial de confort pour les résidents, le petit centre commercial, hier actif, aujourd'hui malmené par plus grand que lui…
Architecte : André Rostagnat
Etape du 2ème parcours d'architecture XXe l'Ain.