CAUE du Nord
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Ouvrage

Lettre au maire de mon village

Cette très longue lettre (ou ce livre assez court, comme on voudra) résulte d'une situation somme toute banale. Son auteur s'est installé dans un petit village (Montourtier, en Mayenne) parce qu'il le trouvait beau. Il y a acquis deux vieilles maisons qu'il a amoureusement retapées. Et il apprend fortuitement qu'il pourrait être menacé d'un encerclement de pavillons flambants neufs. Évoqué seulement dans les toutes dernières pages, cet événement déclencheur a incité Jean Lahougue à approfondir certaines des données du problème.
Il s'interroge tout d'abord sur l'expression « que c'est beau ! », laquelle s'est imposée à lui quand il a vu Montourtier pour la première fois. Il sait bien que son caractère subjectif rend cette appréciation contestable. Un argumentaire fondé sur l'ancienneté ou l'homogénéité architecturale du village serait sans doute mieux reçu. Mais il assume cette subjectivité car les controverses esthétiques doivent faire partie des débats qu'il appelle de ses vœux au sujet du devenir de nos cadres de vie.
Jean Lahougue est écrivain, ce qui se voit dans le caractère très travaillé de son texte. Cela ressort également quand il défend l'usage de matériaux locaux pour la construction en évoquant « ces langages du sol et leur littérature architecturale de villes et de villages ». Montourtier a été « écrit » en granite et en ardoise et ce serait une véritable faute de syntaxe que d'y apporter du « béton », autrement dit le type de béton qui est en train de bêtement uniformiser et banaliser bien des communes. Ce phénomène est bien pire que l'édition de mauvais livres car « rien n'oblige personne à lire des livres alors que la littérature architecturale s'impose à tous ». De plus, « l'écrivain construit sur des pages vierges, l'architecte non ». Il préconise en conséquence d'instaurer « des taxes sur la bêtonnerie comme on s'efforce d'en imposer aux pollueurs » Et il conclut sa métaphore par un nouvel appel au débat car « nous sommes tous, ici, maintenant, nécessairement, les écrivains de notre décor. Comment continuerions-nous de ne rien nous dire du texte architectural que nous sommes condamnés à écrire en commun ? »
Ce n'est pas seulement pour des raisons esthétiques que Jean Lahougue dénonce avec véhémence « l'extension individualiste et désordonnée des pavillons de banlieue jusqu'au fin fond des campagnes ». En effet, il se pose aussi cette grave question : « Comment imaginer qu'un décor d'entités individualistes érigeant le chacun pour soi au rang des droits de l'homme développera le sens communautaire ? »
Par ailleurs, s'il se situe plutôt dans le camp des défenseurs du patrimoine, ce n'est pas sans une certaine réticence. « Tel est l'attrait du mot même de patrimoine qu'il sonne également clair aux oreilles des sentimentaux et des rentiers, des xénophobes et des universalistes, des investisseurs et des contemplatifs, des artistes et des notaires... » La notion d'« esprit du lieu » semble en fait mieux lui convenir car elle est sans doute plus propice aux adaptations qui s'avèrent nécessaires.
Placée en exergue de cet ouvrage, une phrase de Pierre Bourdieu en fournit une des clés : « Rien n'est moins innocent que le laisser-faire. » Jean Lahougue croit quant à lui « aux discussions en petit comité sur des problèmes ponctuels et communs ». Et, « avec ses trois cents âmes », Montourtier lui paraît constituer un cadre tout à fait propice à ce genre d'exercice.
Auteur(s)
LAHOUGUE Jean
Date de publication
01-05-2004
Langue(s) :
Français
Collection(s) :
L'esprit libre
Centre de ressource :
CAUE du Nord
Cote : URBAGEN 187
Outils de conseils :
Non
Outils de découverte :
Non
ISBN :
2876734001
Nombre de pages :
156
Prix :
100
IDENTIFIANT :
22731
Mis en ligne par :
Vianney HAEUW
Date de création :
28/09/2004
Date de mise à jour :
05/02/2021