La Cap de la Crèche, un système pétrolier sous nos yeux.

Nous avons tous tellement intégré le pétrole dans notre vie quotidienne que nous ne nous interrogeons guère sur l'origine des hydrocarbures qui sont utilisés par exemple pour les véhicules ou dans les matières plastiques. De plus, nous nous soucions peu des raisons qui poussent les géologues pétroliers à implanter leurs forages ici et non là. Les côtes du Boulonnais nous montrent un dispositif géologique qui nous permet de visualiser et de comprendre les conditions requises pour qu'un gisement de pétrole puisse exister. C'est d'ailleurs probablement le seul endroit en France où l'on puisse voir ce que l'on nomme un système pétrolier.


Le Boulonnais, un gisement de pétrole qui n'a pas eu de chance:

Le cap de la Crèche (Fig.1-2) présente des roches sombres, argileuses, d'âge jurassique supérieur (140 Ma), appelées « Argiles de Châtillon » (Fig. 3) : elles sont l'équivalent latéral de la formation géologique appelée « Kimmeridge Clay » en Angleterre. Largement représentées dans le sous-sol de la mer du Nord, elles représentent les roches-mère de tout le pétrole qui y est exploité.
Au-dessus de cette roche-mère boulonnaise, les « Grès de la Crèche », eux-mêmes surmontés par les marnes imperméables des « Argiles de la Crèche », constituent un excellent réservoir.

Pourquoi ce dispositif géologique, qui est pourtant un système pétrolier complet (roche-mère, roche-réservoir couverte par une couche imperméable, structure anticlinale), n'a-t-il pas pu devenir un gisement de pétrole ?
Les gisements de la mer du Nord ne sont pas visibles, car enfouis sous d'épaisses accumulations de sédiments. Au contraire, la tectonique, lointaine conséquence du plissement de la chaîne des Alpes, a déformé la croûte terrestre dans le Boulonnais, ce qui a rendu les couches visibles à l'affleurement. Hélas, la tectonique, en soulevant le dispositif, a également permis son érosion. Le système érodé n'étant plus étanche s'est mis à « fuir » ! Le pétrole est parti, il y a longtemps, et a été définitivement perdu.

Un tel destin est banal, c'est le contraire qui ne l'est pas ! Il est beaucoup plus rare de trouver des dispositifs géologiques ayant conservé leurs hydrocarbures sur le long terme à l'échelle géologique où il faut que plusieurs conditions soient impérativement réunies : une roche-mère, une roche-réservoir, une couche imperméable, une structure évitant les fuites.



D'après Nicolas Tribovillard et Armelle Riboulleau dans « Des roches aux paysages ».