Dominique Amouroux, vous êtes critique d'architecture contemporaine et historien de l'architecture du XXe siècle.
Pourquoi travaillez-vous avec les CAUE ?
Que je donne une conférence, que je guide une visite ou que je rédige un livre, mon activité professionnelle est exclusivement dédiée à la diffusion culturelle de l'architecture. De leurs côtés, les CAUE jouent un rôle éminent pour permettre aux élus et aux publics de mieux connaître le cadre bâti dans lequel nous vivons et que nous continuons à faire évoluer. Nos occasions de collaborations sont multiples, pour valoriser ce qui se réalise aujourd'hui et pour présenter ce qui est digne d'intérêt dans notre héritage récent.
Qu'avez-vous réalisé avec eux ?
Au cours des deux dernières décennies, nos collaborations ont pris la forme de participations à des jurys de prix départementaux, à la conception d'expositions, à la rédaction d'ouvrages, à l'élaboration de visites, à la structuration de colloques. Plus récemment, j'ai été associé à la définition et à la mise en forme éditoriale d'un site internet original, un Observatoire des différentes formes d'interventions effectuées au XXIe siècle sur des édifices du XXe siècle, mis en ligne à l'adresse www.archi20-21.fr par l'Union régionale des CAUE Auvergne Rhône-Alpes, avec le soutien du Conseil régional.
Plus généralement, quel regard portez-vous sur l'architecture du XXe siècle ?
Le XXe est sans précédent dans notre histoire par le nombre « d'objets » architecturaux construits mais surtout par ses élans, ses bouillonnements, ses accès de fièvre, ses voltefaces et ses renoncements, ses rêves et ses écrasements contre les chocs du réel, son changement de style tous les vingt ans, son réveil des utopies tous les trente ans et son obstination à continuer de mettre en µuvre en 1999 ce qu'il savait déjà être condamné en 1850… Sans oublier le fait qu'il va avoir à « inventer » l'expression architecturale appropriée à de nouveaux types de bâtiments, du village de vacances à l'aérogare, de la station de métro à l'Hôtel de Région et à modifier profondément celle d'édifices apparemment aussi immuables qu'une église, un musée ou un palais de justice…
Que pensez-vous du département de l'Ain en matière d'architecture ?
L'Ain est un territoire qui m'apparaît géographiquement et intellectuellement écartelé.
Géographiquement entre ses zones de surchauffe urbaine et architecturale - ses espaces bordant la Suisse et l'agglomération lyonnaise - et ses oasis de stabilité calme - la Bresse, la Dombes et les contreforts du Jura. Mais, ces dernières peuvent aussi contenir des îlots palpitants comme le sont Bourg-en-Bresse et Oyonnax, ou comme le fut Hauteville avec ses puissants sanatoriums. Cette dichotomie des Pays de l'Ain se retrouve dans la construction intellectuelle selon laquelle ils se présentent, plus ruraux qu'urbains, plus paisibles que trépidants, plus verdoyants et gastronomiques que culturels… D'où le fait que les prouesses des ouvrages d'art soient plus remarquables que les expressions des bâtiments. À quand l'équivalent de la hardiesse plastique du Learning center de l'École polytechnique fédérale de Lausanne pour marquer l'entrée de l'Ain dans le XXIe siècle ?
Vous proposez un premier Parcours de l'architecture XXe sur Bourg-en-Bresse. Qu'apporte-t-il ?
Mon intervention ordonne et complète une petite partie du recensement effectué par l'équipe du CAUE afin de le rendre partageable au cours d'un trajet d'une heure, de la gare à la Poste. C'est à une redécouverte de la ville quotidienne qu'invite ce parcours. Au fil des haltes, il est question de ces moments où une ville se confronte à un événement (l'arrivée du chemin de fer), où des acteurs locaux entreprennent (la résidence Pierre Goujon), où les besoins collectifs reçoivent de nouvelles réponses quitte à changer d'emplacement dans la ville (la maternité, la Poste principale), où s'illustre le besoin de mémoire (les trois monuments de la place Pierre Goujon)… C'est aussi l'occasion de partager ces découvertes que réserve toute ville et notamment des espaces « secrets » qu'ils soient intérieurs (le hall d'entrée de la Chambre de Commerce et d'Industrie) ou paysagés (le parc centenaire du Conseil départemental). Le parcours célèbre des talents sollicités pour des projets exceptionnels (bâtir la première tour de Bourg !), des professionnels locaux auxquels ont été confiées des commandes de qualité (l'immeuble de logements de la Caisse d'épargne). C'est aussi l'occasion d'évoquer des reconversions réalisées (la Caisse d'épargne devenue Etude notariale), d'aborder la relation entre les architectes et les artistes, de mesurer l'impact local de mouvements esthétiques nés en Europe tels l'Art nouveau, l'Art déco ou le Style international.
Et ce premier parcours en appel d'autres, trois précisément, en cours de préparation, car le patrimoine de Bourg-en-Bresse est riche.
Propos recueillis par Bruno Lugaz