LILLE
de notre correspondante
Il s'appelle le jardin des (Re)trouvailles et se situe à Lille, en plein
cour du quartier populaire de Moulins. A l'origine, c'était un terrain délaissé,
une petite friche urbaine comme il en existe encore beaucoup dans la métropole
lilloise, issue de la démolition de bâtiments vétustes, des logements, peut-être
même des garages… Ici, personne ne se souvient plus très bien. « Pour éviter
le développement d'une végétation sauvage, la mairie, propriétaire du terrain, y
avait semé de la pelouse et tracé une allée de schistes rouges destinée aux
joueurs de boules, lesquels ne sont jamais venus », rappelle René Penet,
président de l'Association des jardins communautaires ouverts et néanmoins
clôturés (Ajonc), porteuse de la démarche.
En deux ans, grâce à une poignée de militants et à la volonté des
habitants du quartier, la friche de mille mètres carrés, demeurée si longtemps
sans affectation, s'est métamorphosée en un jardin à nul autre pareil, voué aux
bons soins quasi quotidiens d'une cinquantaine d'« habitants-jardiniers ». «
Les gens se sont réellement appropriés le projet et le lieu », commente
Jérôme, permanent d'Ajonc. Pour ce faire, une convention de mise à disposition
du terrain a été signée avec la mairie, laquelle a vu bien vite le parti qu'elle
pourrait tirer de cette expérience : un jardin vivant, lieu de rencontres, de
convivialité et d'animations pour un coût extrêmement réduit pour la
collectivité.
« OUVRIR L'ESPACE SUR LE QUARTIER »
Dans le jardin de Moulins, directement inspiré des jardins communautaires
de New York, où il existe près de huit cents réalisations de ce type, certaines
vieilles de vingt-cinq ans, on vient seul ou en famille quand on en a envie. Le
samedi, adultes et enfants sèment, bêchent, binent, plantent fleurs et légumes…
Toutes les décisions d'aménagements ¯ mise en place d'un cheminement, création
d'une mare ¯, de plantations, d'animations et de gestion du jardin sont prises
par l'ensemble des jardiniers. A la différence des jardins familiaux et des
jardins ouvriers, si populaires dans la région, on n'y trouve pas de parcelle
individuelle, même si chacun s'attache plus ou moins à tel ou tel petit coin du
jardin.
Si le jardin est protégé par une clôture, c'est « pour permettre une
pérennité des plantations et aménagements effectués par les habitants, mais
l'objectif premier est d'ouvrir l'espace sur le quartier aussi souvent que
possible », rappelle la charte élaborée pendant plus d'un an par les
fidèles du jardin. Ainsi chaque habitant-jardinier possède-t-il une clé qui lui
donne un accès privilégié au jardin ; mais sitôt qu'un jardinier y est présent,
la grille est grande ouverte…
« L'idée est de créer un lieu de brassage social, d'écoute et de
respect », expliquent, pêle-mêle, des habitants. « Dans ce jardin, on
fait pousser avant tout de la solidarité », lance Jérôme, qui entre autres
talents exerce aussi celui de poète. Des actions de sensibilisation à la nature
en direction des écoles, des centres sociaux ou des maisons de quartier y sont
également menées, sans oublier l'organisation de concerts, de repas de quartier
¯ comme cette soupe au potiron récolté au jardin en 1999 ¯, de soirées-contes,
d'anniversaires.
Tout est prétexte pour se retrouver. L'état d'esprit n'est pas très loin
des désormais fameux repas de quartier impulsés, dès le début des années 90 à
Toulouse, par la mouvance proche des musiciens du groupe les Fabulous Trobadors,
avec la dimension nature en plus. Aujourd'hui, l'objectif est de faire éclore
d'autres jardins communautaires, sur d'autres friches, dans d'autres quartiers
de Lille. Une belle idée à creuser dans une ville qui bat tous les records en
matière de déficit en espaces verts.
Nadia Lemaire