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Par Le |
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La pollution au cyanure, partie de la mine d'or roumaine d'Aurul, a frappé à mort la Tisa. «L'écosystème de cette rivière est entièrement détruit pour au moins cinq ans», assure Branislav Blazic, ministre serbe de l'Environnement. La Tisa traverse la région la plus fertile de la plaine de Voïvodine, au nord de la Serbie. Même si la concentration du cyanure était hier inférieure au taux toléré d'un dixième de milligramme par litre d'eau (0,1 mg), des professeurs de l'université de Novi Sad, chef-lieu de la province, estiment que ses eaux ne pourront plus servir à l'irrigation avant longtemps. Ils craignent aussi que les eaux polluées n'aient déjà pénétré dans des puits artésiens de la région. D'autres doutes assaillent le professeur Bozo Dalmacija, chimiste et expert indépendant qui craint les effets de l'éventuelle présence de métaux lourds dans les 100 000 mètres cubes de cyanure qui se sont déversés de la mine d'Aurul. Certains phénomènes observés par des pêcheurs ont attisé ses appréhensions. A l'endroit où la Tisa se jette dans le Danube, des pêcheurs ont non seulement reconnu l'odeur d'amande amère, caractéristique du cyanure, mais aussi senti des picotements dans le nez pendant qu'ils ramassaient le poisson mort. Analyses. «Si des métaux lourds sont vraiment arrivés avec le cyanure, la catastrophe égalera celle de la centrale nucléaire de Tchernobyl car ils se déposent dans la vase pour longtemps», craint le professeur Dalmacija. Il attend avec angoisse les résultats des diverses analyses auxquelles procèdent les institutions compétentes. Mais rien qu'avec le passage du cyanure il faudra longtemps avant que la Tisa «cicatrise». Les experts optimistes parlent de quelques mois, les pessimistes de dix à vingt ans. Mesures nécessaires. Avant que la vague polluée ne passe lundi par Belgrade et poursuive sa course vers la mer Noire, les autorités serbes avaient affirmé qu'elles prenaient toutes les mesures nécessaires pour protéger la population. Elles ont expliqué et répété que le taux de concentration du cyanure diminuait avec sa progression vers la mer Noire. Hier à Smederevo, sur la rive gauche du Danube, le taux de ce poison virulent était légèrement au-dessus du taux toléré au litre d'eau. Dans la Tisa, il était hier de 0,02 milligramme, selon le ministre serbe de l'Agriculture et des Eaux et Forêts, Jovan Babovic. Lorsque la pollution était à son maximum, vendredi, le taux était de 2 mg par litre. Par mesure de précaution, la Régie des eaux de Belgrade a fermé «jusqu'à nouvel ordre» sa station de Vinca, petite localité sur le Danube qui abrite aussi l'unique institut nucléaire du pays. La station de pompage de Vinca alimente au moins cinq quartiers périphériques de la capitale où l'eau sera amenée par citernes. La plus grande partie de Belgrade, une ville de près de deux millions d'habitants, est approvisionnée en eau provenant de la rivière Sava, qui se jette dans le Danube. La pêche est interdite aussi pour une période indéterminée sur la Tisa et le Danube. Inquiétudes. Des Belgradois ont retrouvé le réflexe de l'époque des bombardements de l'Otan, au printemps 1999, et ont fait des stocks d'eau minérale. Car avant le cyanure, le Danube a absorbé des centaines de tonnes de pétrole et de mercure, qui se sont échappées des raffineries bombardées à Novi Sad et à Pancevo, près de Belgrade. L'arrivée dimanche d'une équipe de onze experts des Nations unies a suscité une certaine inquiétude. Mais de sources proches de la délégation, on a précisé qu'il s'agissait de la poursuite de la mission du Groupe opérationnel pour les Balkans (Balkan Task Force) composé d'experts du Programme de l'ONU pour l'environnement (Unep) qui avait déjà examiné les dommages causés à l'environnement par les bombes de l'Otan. Dans un rapport soumis à l'ONU en octobre dernier, le groupe avait signalé un degré de pollution «inquiétant» notamment à Novi Sad, Pancevo, Kragujevac et Bor. |
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